La crémation hellénistique et romaine à Alexandrie : de la fouille des urnes à la restitution des pratiques funéraires

Responsables d’étude : Paul Bailet, Patrice Georges et Cécile Harlaut

La fouille et l’étude des crémations est sans doute l’un des dossiers les plus ambitieux ouverts à l’occasion de la fouille du site du « pont de Gabbari » ; il contribue au renouvellement des problématiques liées aux pratiques funéraires dans la capitale des Lagides, comme les nombreuses autres recherches menées sur ce site. Hormis les milliers d’ossements retrouvés épars ou en connexion dans différents contextes sépulcraux, que ce soit en surface ou dans les hypogées, cet ensemble funéraire a en effet livré des hydries de Hadra dont le site éponyme est une immense nécropole hellénistique retrouvée dans un village proche d’Alexandrie et d’autres types de vases cinéraires. Que faire de ces vases prélevés tels quels, précautionneusement, qui rappelaient à tous qu’une partie des pratiques funéraires hellénistiques alexandrines, écrites en fonction des inhumations, nous échappait largement, voire nous était totalement inconnue ? L’étude archéo-anthropologique de grande ampleur qui avait été engagée sur cette nécropole ne pouvait laisser de côté une partie, quand bien même est-elle réduite, de la population de l’Alexandrie antique, sous prétexte que ces sépultures d’un type particulier étaient relativement rares en Égypte, y compris à Alexandrie.

À l’instar de ce qui se fait en France depuis des décennies, le CEAlex diligente pour la première fois en Égypte un projet scientifique fondé sur l’approche moderne de l’étude archéologique des crémations. Porté par Gilles Grévin et Paul Bailet, ce projet est centré sur la fouille stratigraphique des urnes, permettant de positionner les éléments osseux reconnus par partie anatomique au sein du vase et les uns par rapport aux autres, ainsi que les objets présents, souvent à l’état de fragments car ils ont été récupérés sur le bûcher à l’issue de la crémation. Ces deux chercheurs appliquent alors un protocole qui a été mis au point en France dès les années 1980, profitant pleinement par la suite du développement de l’archéologie préventive en France. Ce modus operandi comblait un vide méthodologique évident. Tout en ayant le mérite de s’intéresser aux restes du défunt, demeurant l’élément central de la tombe, cette approche permettait de tenter d’accéder à l’image originel du bûcher, dont aucune trace n’a jamais été retrouvé à Alexandrie. Les os bien sûr, mais le moindre vestige, que ce soit un fragment d’objet, un charbon ou tout autre élément d’origine naturelle, est l’occasion de discuter de la température des flammes, des gestes portés sur le bûcher pendant et après la crémation, etc. Ce projet s’est concrétisé par plusieurs missions au CEAlex pour fouiller des vases du Musée gréco-romain d’Alexandrie, dont la majeure partie provenait d’autres sites alexandrins fouillés depuis longtemps.

Ces premiers résultats ayant ouvert de nouvelles pistes de recherche, dont se sont d’ailleurs nourris les spécialistes des autres disciplines, le projet s’est enrichi ces dernières années, avec la découverte en 2012 d’une hydrie encore en contexte dans sa niche fermée au cours d’une opération de sauvetage par le Ministère égyptien des Antiquités et sa fouille. Cette intervention a relancé de fait le programme actuel, soutenu par l’Inrap, ayant pour objectif la publication in extenso de 49 dépôts par Paul Bailet, Patrice Georges et Cécile Harlaut, tout en revenant sur l’état actuel des recherches, en discutant des points considérés comme acquis sur la crémation en général et la pratique hellénistique à Alexandrie en particulier, et en étudiant également la typologie des conteneurs et des contextes de découvertes des urnes.

  • Dépôt 9, détail de la cassure, dans la panse. Cl. P. Bailet. © Archives CEAlex

Pour en savoir plus

G. Grévin, P. Bailet, « Fouille d’hydries funéraires à crémation d’époque ptolémaïque (Tombe B1) : Étude ostéologique », in J.-Y. Empereur, M.-D. Nenna (éd.), Nécropolis 1: Tombes B1, B2, B3, B8,Études Alexandrines 5, Le Caire, 2001, p. 291-294.

G. Grévin, P. Bailet, « Une pratique funéraire insolite en Egypte : la crémation à l’époque des Ptolémées (IVe-Ier siècle av. J.-C.), Archéologia 381, 2001, p. 48-53.

G. Grévin, P. Bailet, « La crémation en Égypte au temps des Ptolémées », La mort n’est pas une fin : pratiques funéraires en Égypte d’Alexandre à Cléopâtre, Calatogue d’exposition, Musée de l’Arles antique, 2002, p. 62-65.

P. Bailet, P. Georges, C. Harlaut, La crémation hellénistique et romaine à Alexandrie (Égypte) : de la fouille des urnes à la restitution des pratiques funéraires, Études Alexandrines, sous presse.